mardi, 29 novembre 2005
Albert Samain (1858 -- 1900)
Il est d’étranges soirs...
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme
Où dans l'air énervé flotte du repentir,
Où sur la vague lente et lourde d'un soupir
Le cœur le plus secret aux lèvres vient mourir.
Il est d'étranges soirs où les fleurs ont une âme,
Et ces soirs-là, je vais tendre comme une femme.
Il est des clairs matins fils, de roses se coiffant,
Où l’âme a des gaietés d’eaux vives dans les roches,
Où le cœur est un ciel de Pâques plein de cloches
Où la chair est sans tache et l’esprit sans reproches.
Il est de clairs matins de roses se coiffant,
Ces matins-là, je vais joyeux comme un enfant
Il est de mornes jours où, las de se connaître,
Le cœur, vieux de mille ans s'assied sur son butin,
O% le plus cher passé semble un décor déteint,
Où s'agite un vague et minable cabotin.
Il est de mornes jours, las du poids de connaître,
Et ces jours-là, je vais courbé comme un ancêtre !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Où l’âme, au bout de la spirale descendue,
Pâle et sur l'infini terrible suspendue,
Sent le vent de l'abîme et recule perdue !
Il est des nuits de doute, où l'angoisse vous tord,
Et ces nuits-là, je suis dans l’ombre comme à mort.
Albert Samain (1858 -- 1900)
(Au Jardin de l’Infante -- 1893)
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