mardi, 29 novembre 2005
Albert Samain (1858 -- 1900)
La cuisine.
Dans la cuisine où flotte une senteur de thym,
Au retour du marché, comme un soir de butin,
S’entassent pêle-mêle avec les lourdes viandes,
Les pruneaux, des radis, les oignons en guirlandes.
Les grands choux violets, le rouge potiron,
La tomate vivace et le pâle citron.
Comme un grand cerf-volant la raie énorme et plate
Gît, fouillée au couteau, d’une plaie écarlate.
Un lièvre au poil rougi traîne sur les pavés
Avec des yeux pareils à des raisins crevés.
D'un tas d'huîtres vidé d'un panier couvert d'algues
Monte l'odeur du large et la fraîcheur des vagues.
Les cailles, les perdreaux au doux ventre ardoisé
Laissent, du sang au bec, pendre leur cou brisé ;
C'est un étal vibrant de fruits verts, de légumes
De nacre, d'argent clair, d’écailles et de plumes.
Un tronçon de saumon saigne et, vivant encore,
Un grand homard de bronze, acheté sur le port,
Parmi la victuaille au hasard entassée
Agite, agonisant, une antenne cassée.
Albert Samain (1858 -- 1900)
(Le Chariot d'Or -- 1901)
20:10 Publié dans Poètes du monde entier | Lien permanent | Commentaires (0)
Les commentaires sont fermés.