samedi, 13 juin 2015
Moi, Surunen, libérateur des peuples opprimés (2015) - Arto Paasilinna
Le très distingué professeur Surunen, membre finlandais d'Amnesty International, las de se contenter de signer des pétitions, décide de prendre les choses en main. Il s'en va personnellement délivrer les prisonniers politiques qu'il parraine en Macabraguay, petit pays d'Amérique centrale dirigé par un dictateur fasciste sanguinaire. Après le succès de l'évasion de cinq d'entre eux, et non sans avoir goûté à la en torture des geôles locales, Surun accompagne l'un de ses protégés jusqu'au paradis communiste, un pays d'Europe de l'Est baptisé la Vachardoslavie. Là, il découvre le triste sort d'une poignée de dissidents enfermés dans un asile psychiatrique, et s'emploie à les libérer à leur tour. Revisitant à sa façon Tintin au pays des Soviets, Paasilinna renvoie dos à dos les dictatures de tous bords avec une ironie mordante et un sens du burlesque accompli. Arto Paasilinna est né en Laponie finlandaise en 1942. Successivement bûcheron, ouvrier agricole, journaliste et poète, il est l'auteur d'une trentaine de romans, pour la plupart traduits en français et publiés chez Denoël, qui ont toujours rencontré un vif succès critique et public.
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mercredi, 10 juin 2015
Paul Ceylan (poète)
Pour réaliser leur film sur Paul Celan (1920-1970), Ulrich H. Kasten et Hans-Dieter Schütt disposaient de peu de documents d’archives. Seulement quelques images en noir et blanc de Celan lisant. Beau visage, intense, voix harmonieuse : des moments très émouvants, ponctuant le récit. Les auteurs ont choisi une trame biographique, montrant les divers lieux de la vie de Celan. Et ils ont convoqué deux témoins : son fils, Eric (né en 1955), et Bertrand Badiou, l’éditeur, en allemand et en français, de l’œuvre de Celan et de sa correspondance (Seuil, « La Librairie du XXIe siècle »).
C’est à Czernowitz, en Bucovine (désormais en Ukraine), que naît, le 23 novembre 1920, Paul Antschel, qui deviendra Celan après la guerre. Son père est un juif religieux, sa mère l’initie à la musique et à la littérature. Il étudie d’abord dans une école germanophone, puis dans une école hébraïque. L’allemand restera sa langue d’écriture – quand il ira en Israël, à la fin de sa vie, on lui reprochera de s’exprimer dans la langue des bourreaux. Mais il ne trouve de réconfort dans aucune langue pour « mettre en mots les extrémités de l’expérience humaine ».
Descente aux enfers
Le bel adolescent rêveur qui part pour la France en 1938 va très vite commencer une descente aux enfers que rien ne pourra arrêter. Rentré à Czernowitz à l’été 1938, pour les vacances, il ne peut repartir et doit porter l’étoile jaune. Pendant la guerre, ses parents sont déportés en Transnitrie et y meurent. Lui-même passe dix-huit mois dans un camp de travail.
Quand les Russes arrivent à Czernowitz, Celan fuit. D’abord à Bucarest, puis à Vienne. Il participe à une revue littéraire et publie son premier recueil de poèmes. Il se lie à Ingeborg Bachmann (1926-1973), poète et membre du Groupe 47, qui rassemble, après la guerre, de jeunes écrivains allemands.
Le 12 juillet 1948, Celan choisit la France. A Paris, il vit à l’hôtel, il est apatride, sans le sou. Pour survivre, il fait quelques traductions. Il a quelques amours éphémères, avant de rencontrer Gisèle de Lestrange, qu’il épouse en 1952. Leur fils décrit sa mère comme une « femme engagée, révoltée, une grande amoureuse », qui a tenté de rendre à Paul Celan le goût de la vie. C’est pour l’année 1952 qu’on a les images les plus bouleversantes, en Allemagne, devant les écrivains du Groupe 47. Celan lit un poème en mémoire de sa mère, et l’assistance rit aux éclats. C’est une scène épouvantable. Avant de rentrer en France, il se rend sur la tombe d’Hölderlin, avec lequel, souligne Bertrand Badiou, « il entretient un rapport très particulier ».
Malgré la naissance de son fils, la visite, en 1960, de la grande poète Nelly Sachs (1891-1970), qui voudrait le libérer de ses angoisses de persécution, malgré le prix Georg-Büchner, Celan s’enfonce, dit son fils, « dans la maladie mentale », aggravée par l’accusation de plagiat portée contre lui par la veuve du poète Yvan Goll. Il fait plusieurs séjours en hôpital psychiatrique.
Il continue pourtant de se rendre en Allemagne, sa « terre d’angoisse ». En 1967, il rencontre Heidegger et lit devant lui ses poèmes sur la Shoah. « Je voulais qu’il me parle, je voulais lui pardonner », a dit Celan. Son dernier voyage sera à Stuttgart, en mars 1970, pour le bicentenaire d’Hölderlin. Là encore, « ses poèmes se refusent au public ». Dans la nuit du 19 au 20 avril 1970, Paul Celan met fin à son calvaire. Il se jette dans la Seine depuis le pont Mirabeau.
Paul Celan, écrire pour rester humain, d’Ulrich H. Kasten et Hans-Dieter Schütt (All., 2014, 55 min). Mercredi 10 juin à 22h25 sur Arte.
Journaliste au Monde
En savoir plus sur http://www.lemonde.fr/televisions-radio/article/2015/06/10/paul-celan-l-ecriture-contre-les-tenebres_4650992_1655027.html#XRM6PrZJy79et1k1.99
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Maximes sur la guerre - René Quinton
PREMIÈRE PARTIE —
MAXIMES SUR LA GUERRE
Maximes sur la Guerre – I
I.
Les hommes peuvent rêver qu'ils n'aiment point la guerre. La nature aime la lutte et la mort.
C'est à la fleur et dans la plénitude de leur âge que la nature voue les mâles à la mort.
La nature crée des espèces ; elle ne crée pas des êtres. L'espèce est la fin ; l'être n'est que le
serviteur de cette fin. C'est le propre de l'individu de s'abuser sur sa destinée et de croire qu'il est né
pour soi-même.(1)
Seuls, les héros soupçonnent qu'ils ne sont point nés pour eux-mêmes. (2)
La guerre ne transforme point les hommes ; elle les rend à leur fin native. La guerre est l'état
naturel des mâles.
Autant l'homme déteste la mort dans les heures calmes de la vie, autant il l'accepte
naturellement dans la lutte.
Dans l'univers, le service de l'espèce impose aux femelles les charges, les risques de la
maternité. Il impose aux mâles d'un même sang la lutte fratricide, le combat entre soi, la mort s'il le
faut (1). Ce que l'instinct impose, l'animal l'accepte naturellement. Les mâles sont organisés pour
mourir, pour accepter du moins les risques de la mort dans la lutte.
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1. L'homme attache du prix à son existence ; la nature, non.
2. La nature crée des hommes pour être sacrifiés au bien commun ; ce sont les héros.
La nature ne veut point la fécondation ; elle veut la fécondation essentielle. La première mission des mâles n'est pas de se reproduire, mais de s'entre-tuer. Dans l'ensemble du monde vivant, leurs
carnages préludent à l'amour. La femelle propage l'espèce ; le mâle, par sa mort, la sélectionne (2).
La nature, qui en bénéficie, crée les mâles pour s'entre-détruire ; elle leur en donne le goût et la
force de risquer (1).
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1. Dans l'univers, la survie de l'espèce impose aux femelles les charges, les risques de la maternité.
Elle impose aux mâles de même sang le duel de mâle à mâle, le combat sans merci, la mort s'il le
faut.
2. La nature veut que les mâles s'affrontent, qu'ils meurent. Dans l'ensemble du monde vivant, les
carnages des mâles préludent à l'amour. La femelle propage l'espèce ; le mâle, par sa mort, la
purifie.
Le mâle qui meurt sert l'espèce, en laissant à d'autres le soin de la propager.
La nature refuse aux mâles le droit de se reproduire, aux races le droit de se perpétuer. Ce droit,
les mâles et les races doivent le conquérir dans la lutte. Le premier devoir que la nature leur dicte
n'est point de vivre, mais de triompher ou de mourir (2).
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1. Un petit nombre de mâles assurent le service de l'espèce. La nature confie à l'ensemble des mâles
le soin de dénier à chacun d'eux le droit de se reproduire. Elle les dote de cœurs ennemis, afin qu'ils
se mesurent et s'entre-détruisent dans la lutte. L'inimitié des mâles est la loi et le salut de l'espèce. –
La nature ne crée l'espèce qu'en y créant les mâles ennemis ; le mâle, par sa mort, la purifie.
2. Un mâle n'a pas le droit de se reproduire. Une race n'a point le droit de se perpétuer. La
nature veut le règne des forts. Elle affronte les mâles, elle affronte les races, afin de les juger, de les
condamner ou de les conserver.
La charge de mourir est aussi naturelle au mâle, qu'à la femelle la charge de porter. La destinée
des mâles est de mettre en jeu leur vie au service de l'espèce. Tout mâle porte en soi la vocation de mourir (1).
La mort se supporte bien à la guerre. À l'heure de la lutte, l'homme naturel méprise la vie. Elle
n'est plus sa fin. Il cesse d'être son champion pour devenir celui de l'espèce.
La guerre n'est point un défi à la nature. Il n'est point contre nature pour le mâle de tuer son
semblable ; il n'est point contre nature pour le mâle d'être tué par son semblable. La loi qui régit les
rapports des mâles à l'intérieur d'une même espèce est une loi de meurtre et de risque. La guerre est
un chapitre de l'amour.
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1. La nature n'aime pas les mâles. – À l'intérieur de chaque espèce, les mâles ont la mission de
s'entre-tuer pour le salut de l'espèce.
Les mâles de la même espèce ont une ivresse à s'entre-déchirer. L'ivresse de la guerre est une
ivresse de l'amour.
L'égoïsme est le faux calcul. La guerre rappelle soudain aux hommes qu'ils ne sont point nés
pour eux-mêmes.
Les êtres ne sont beaux qu'en amour et à la guerre, parce que le dévouement et l'abnégation sont
les deux vertus de l'amour et de la guerre, et les assises de la beauté morale (1).
Il y a des êtres qui croient s'aimer et savent qu'ils ne mourraient point l'un pour l'autre.
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1. La guerre donne aux hommes la beauté morale que la maternité donne aux femmes.
Le pacifisme est un attentat à l'honneur. L'homme n'a qu'une majesté, qui est de savoir mourir.
Le pacifisme la lui dénie (1).
La force qui pousse les hommes au feu est une des plus puissantes du monde. Elle domine celle
qui les pousse à l'amour. Il est peu d'amours sur la terre pour lesquels on soit prêt à mourir. L'amour
du pays en est un (2).
Qui n'a pas désiré mourir n'a jamais aimé.
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1. Le pacifisme est le frère du malthusianisme.
2. L'amour de la Patrie est un amour ombrageux qui ne supporte point d'être nommé. C'est un
amour qui réconcilie tous les hommes, un amour d'accord avec l'honneur, le seul amour auquel
l'honneur permette de se laisser aller.
Ce n'est pas pour atteindre des sommets que des hommes gravissent les montagnes. Le
côtoiement de la mort est si doux, qu'à défaut de la guerre, l'homme s'invente dans des jeux des
occasions de mourir (1).
Aucune espèce animale n'apporte à la mort plus de frénésie que l'homme. Aucune ne s'épure ni
ne s'entre-tue davantage. Chez l'animal, il n'y a que les instincts qui s'affrontent ; chez l'homme, il y
a les idées. Une croyance qui diffère porte en soi un ordre de mort. Tout idéal est un prétexte à tuer
(2).
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1. Les voluptés du risque sont si impérieuses que, la vie de société abolissant certains dangers,
l'homme s'en crée d'artificiels pour s 'exposer et en jouir.
2. Aucune espèce animale n'apporte à la mort plus de frénésie que l'homme. C'est parce qu'il outre
la nature que l'homme outre la mort.
Les voluptés peuvent remplir le monde ; ce sont les idées qui le mènent (1).
La nature ne commande aux êtres de vivre que pour servir. Servir est la fin ; vivre n'est que le
moyen. L'instinct de conservation est au mâle ce que la prudence est à une troupe dans une marche
d'approche. Il amène vivant, à pied d’œuvre, pour le combat, sa fin dernière, l'être créé pour lutter et
mourir.
Les instincts de vivre et de reproduire sont les instincts mineurs. L'instinct de servir est l'instinct majeur. Que m'importe que tu vives, si tu ne me sers ; que tu reproduises, si tu n'engendres que des
morts ! Ma volonté est la vie. Je la jette dans la lice entre les mâles. Fuis, triomphe ou succombe,
mais ne me donne que des serviteurs qui continueront à servir mon désir. Je suis le gardien de la
durée ; je t'ai associé à mon oeuvre : c'est peu que pour m'en payer tu consentes au risque et à la mort.
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1. Les êtres ne sont que le serviteur de l'idée. – La mort volontaire est un tribut de l'homme aux idées. – Les races se fondent sur les idées.
Il faut que l'amant obéisse à des fins puissantes pour tuer tout ce qu'il aime (1). Le mâle tue la
femelle souillée, comme le mâle. Plutôt point de progéniture qu'une progéniture qui ne soit mienne.
Point de monde qui ne me ressemble.
Ma vertu est la vertu. C'est peu que rien ne m'égale ; rien ne me ressemble. L'imperfection du
monde vient de ce que nul n'y est créé à ma ressemblance (2).
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1. Il faut bien que le mâle qui tue obéisse à des fins puissantes pour sacrifier tout ce qu'il aime. – La
joie de tuer est profonde. Il y a dans le meurtre un assouvissement de l'instinct, une volupté de
l'âme.
2. L'ordre de la nature est de haïr qui n'est point soi, ou ne collabore point avec soi. – Chaque être
doit défendre sa cause, jouer son jeu, et par conséquent mépriser les autres, les haïr, les trouver mal.
Le bien n'est autre que moi.
Le nouvel époux tolère mal les enfants du premier père. La haine du mâle pour la progéniture
d'un autre mâle est telle qu'il la mange.
L'amant pardonne parfois aux filles de l'autre père.
La haine est la grande affaire de la vie. Les sages qui ne haïssent plus sont mûrs pour la stérilité
et pour la mort.
La figure du mâle qui combat est hideuse. Elle respire le vice et intime l'ordre de frapper. Le
mâle est horrible au mâle. Il est ce qui doit être exterminé.
1. Tes enfants me plaisent, si je ne t'aime. Mais si je t'aime ? L'amant qui aime hait les enfants du père.
L'ennemi le plus mortel du mâle est le mâle de sa propre espèce. Ce n'est pas à l'agneau que le
loup est terrible. C'est pour le loup d'abord que le loup est le loup.
Voluptés du corps : rancœurs, remords. L'être sait qu'il trahit. Il n'est de béatitude que de l'âme,
et de lauriers que de l'espèce (1).
La recherche du bonheur est impie. etc.(aux lecteurs et lectrices d'en juger...Gaudeamus)
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mardi, 09 juin 2015
Arrêter de se raconter des histoires : L'art de rester un enfant jusqu'au bout et de mourir idiot - François Bocquet
Arrêter de se raconter des histoires : L'art de rester un enfant jusqu'au bout et de mourir idiot Editions Performances (8 novembre 2013) Ce livre raconte l'histoire d'un vieux pays (que nous nommerons la Gaule) qui aime à se raconter des histoires. Ce pays se trouve aujourd'hui dans la situation d'un enfant qui ne veut pas grandir dans l'espoir de conserver indéfiniment les privilèges merveilleux dont il bénéficie. L'infantilisme y est une idéologie, l'infantilisation des masses une tradition savamment entretenue par les élites. Si ce pays veut demeurer ou redevenir un pays libre, il lui faut aujourd'hui faire sa révolution pour devenir adulte et s'insérer enfin dans le monde tel qu'il est. Ce livre raconte aussi le chemin d'apprentissage de l'individu quand il bascule de l'état enfant à l'état adulte en s'éveillant à la réalité, à sa réalité. Il explore, au-delà des libertés conquises par la révolution personnelle, les issues de l'adulte avancé qui doit, s'il ne veut pas mourir idiot, apprendre la réconciliation, l'art de danser en rythme avec tous les fragments de son puzzle extérieur ou intérieur. Ce chemin de l'intégration lucide concerne enfin les entreprises traditionnelles, hiérarchisées comme à l'époque industrielle, qui ne pourront survivre qu'avec moins de procédures idéales, plus de réalisme et plus d'agilité. Ce triple livre s'inscrit ainsi au carrefour d'une problématique individuelle atemporelle et de problématiques managériales ou nationales très actuelles. Il dénonce la triple illusion des nations, des entreprises et des enfants gâtés qui se racontent des histoires. Il propose une solution : apprendre à vivre avec l'incertitude.
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