mardi, 29 novembre 2005
Sully Prudhomme (1839 -- 1908)
Les yeux.
Bleues ou noires, tous aimés, tous beaux,
Des yeux sans nombre ont vu l’aurore ;
Ils dorment au fond des tombeaux
Et le soleil se lève encore.
Les nuits plus douces que les jours
Ont enchanté des yeux son ombre ;
Les étoiles brillent toujours
Et les yeux se sont remplis d'ombre.
Oh ! Qu'ils Aient perdu le regard,
Non, non, cela n'est pas possible.
Ils se sont tournés quelque part
Vers ce qu'on nomme l’invisible ;
Et comme les astres penchants
Nous quittent, mais au ciel demeurent,
Les prunelles ont leurs couchants,
mais il n'est pas vrai qu’elles meurent :
Bleues ou noires, tous aimés, tous beaux,
Ouverts à quelque immense aurore,
De l'autre côté des tombeaux
Les yeux qu’on ferme voient encore..
René-François Sully Prudhomme (1839 -- 1908)
( La Vie Intérieure)
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